LA CROIX BLANCHE
devenue LA GRENETTE, à Fribourg
Il y a cinquante ans un comité du quartier du Bourg lança l’idée d’une nouvelle Grenette. Ce projet se concrétisa en 1950 et le nouvel édifice fut inauguré en 1955. Ce site d’apparence moderne est pourtant lié depuis longtemps à l’histoire de la ville de Fribourg et de ses habitants.
Place Notre-Dame au début du XIIème siècle
Le 6 février 1296 Louis de Savoie,
seigneur de Vaud, achète à Maître Albert de Soucens,
curé de « St-Pierre près Arconciel », et à
son frère Jean de Soucens, une maison et un jardin près
de l’Eglise Notre-Dame, à coté du fossé du Grabensaal.
Cette maison appartenait auparavant à leur frère Ulrich de
Soucens et se trouvait entre la maison de Maître Albert de Soucens
et le fossé de la ville par lequel on allait de la ville vers le
Grabensaal.
Le Logis de la Croix Blanche (Actuellement une partie du No 4 et le No 6)
Les Comtes puis
ducs de Savoie transforment alors cet édifice en auberge et lui
donnent comme enseigne la Croix Blanche de leurs armoiries. Ils louent
dès lors cet établissement à différents tenanciers,
parmi lesquels on trouve deux anciennes familles de la ville: les d’Affry,
puis les Fégely (les descendants de ces derniers vivent aujourd’hui
en Australie).
En 1390, on trouve derrière Notre-Dame
une rangée de maisons dont la dernière vers l’Est, La Croix
Blanche, domine le fossé. Celle-ci occupe l’emplacement des actuels
Nos 4 et 6 de la Place Notre-Dame. Le 23 ou 24 février 1448, un
éboulement se produit derrière la Croix Blanche. Les Fribourgeois
croient y voir un présage de la prochaine défaite du duc
Louis de Savoie mais finalement la Savoie et Berne triomphent et Fribourg
doit accepter le 16 juillet 1448 une paix assez humiliante.
A la fin du XVème siècle, la duchesse Yolande de Savoie donne le « Logis de la Croix Blanche » aux frères Antoine et Jacques Champion. Jacques et les fils d’Antoine y assignent leur droit de bourgeoisie le 11 avril 1493.
Vers 1510, les Champion revendent la Croix Blanche à Hans de Lanthen-Heyd qui restaure l’ensemble et y flanque une tourelle du côté de la maison d’Affry (actuel No 8). Louis d’Affry n’appréciant guère cet ajout en obtient la démolition.
Le Jeu des Rois
De 1425 à 1825 se déroule place Notre-Dame le « Jeu des Rois », fête organisée par la paroisse, les bourgeois et les Confréries de la ville de Fribourg. Les Rois mages Gaspard, Melchior et Balthazar, accompagnés de leurs suites se rendent en procession sur la place où le jeu se déroule en présence d’Hérode assis sur son trône. Une étoile suspendue à un câble se déplace au dessus de la place. Ce jeu a été reconstitué une fois en 1991.
La maison de bienfaisance (Actuellement la partie du No 4 vers la Banque Cantonale)
En 1463, les autorités de la ville font raser la tour et la porte du Bourg. Avec les matériaux récupérés on comble partiellement le fossé et on y construit un mur séparant la Croix Blanche (La Grenette) de la maison des d’Avenches (actuelle Banque cantonale). On continue à combler le fossé en 1519. En 1681 le fossé étant tout à fait désaffecté et comblé, les autorités utilisent cet emplacement pour y construire un bâtiment appelé « la fabrique » ou « la manufacture ».
Cet établissement abrite aux XVIIème et XVIIIème siècles les nombreuses industries textiles que le gouvernement s’efforce d’installer à Fribourg pour lutter contre la pénurie d’emploi. Au début du XIXème, les autorités décident de laisser ce lieu à un comité de dames qui enseignent les travaux manuels à des jeunes filles indigentes de la ville. Dans la deuxième moitié du XIXème, la « maison de bienfaisance » devient l’Ecole Secondaire de Filles de la ville. En 1905, cette école est installée à Gambach et les locaux abritent dès lors l’école primaire des filles du quartier du Bourg. Enfin cet établissement cède sa place en 1955 à une partie de la nouvelle Grenette.
La Maison Wehrly puis Diesbach (Actuellement une partie du No 4 et le No 6)
En 1545, la Croix Blanche change à nouveau de mains et appartient dorénavant à Gaspar Seiler dit Wehrly, banneret en 1534. Elle passera ensuite à son fils Nicolas Wehrly, bailli de Wallenbuch, puis en 1549 à la fille de celui-ci, Marguerite Wehrly, épouse de Georges Ier de Diesbach, baron de Grandcour et de Prangins (1535-1582). En devenant la propriété des Diesbach, la maison perd son droit d’auberge. L’enseigne de la Croix Blanche est transférée à la Grand’rue puis plus tard sur les Places . Georges Ier de Diesbach rédige son testament en 1582 et lègue « la belle tapisserie » qu’il possède à celui de ses fils « qui aura en partage le logis de la Croix Blanche ».
C’est Georges II de Diesbach (1575-1646), fils de Georges Ier, qui hérita le logis de la Croix Blanche et vraisemblablement « la belle tapisserie ». L’autre partie de la Croix Blanche passe à Pierre, autre fils de Georges Ier.
Place Notre-Dame au début du XVIIème siècle (Plan Martini) | La Croix Blanche |
En 1683, après la mort de Jean-Frédéric
de Diesbach, le majorat passe à son fils Frideric de Diesbach-Steinbrugg,
(1677-1751).
Après avoir été officier au
service de France, Frideric passe au service de l’empereur Charles
VI. Le général major de Diesbach conduit à la
victoire trois régiments de l’armée impériale face
aux Turcs, puis est envoyé en Sicile. En 1719 il remporte l’assaut
final de Messine et Charles VI l’honore du titre de Prince de Sainte-Agathe.
Puis il devient gouverneur de Syracuse (1722), chambellan de l’Empereur
(1723), Feld-maréchal-lieutenant (1723) et conseiller de guerre
aulique (1726). Blessé en 1734, le prince de Diesbach se retire
à Fribourg où il est nommé conseiller d’état
honoraire.
Par acte du 17 mars 1729, « Leurs Excellences de Fribourg » autorisent Frideric de Diesbach à créer un deuxième majorat en faveur de l’aîné des Diesbach de Fribourg. Il inclue dans cette substitution la maison de la place Notre-Dame toute meublée avec la vaisselle et le linge. Ce second majorat passera directement aux Diesbach Torny.
Le 5 juillet 1742, à 11 heures du matin, les murailles de l’arrière de la maison de la substitution Diesbach s’écroulent au Grabensaal par « le manguement du rooc qui s’est détaché, et comme des ouvriers voulait allés sauver lés tuilles sur les toits, ils sont avec ledit toit tombé où 9 personnes onts péri misérablement ». Ces neuf ouvriers qui s’appelaient Buntschu, Haÿo, Thos, Pitet, Zosso, les deux frères Zurkinden, Helfer et Hilcher laissèrent huit veuves et 21 orphelins.
Le 9 février 1787, le chambellan François-Pierre de Diesbach Torny, 3ème prince de Sainte-Agathe (1739-1811), bénéficiaire de la substitution Diesbach, obtient de ses cousins des branches Diesbach-Steinbrugg, Diesbach Torny et Diesbach Belleroche, l’autorisation « de vendre les maisons, et écuries qui sont affectés à la substitution dont il jouit ».
Le 23 juillet 1789, il vend donc la plus grande de ses deux maisons formant l’ancienne Croix Blanche à l’Etat de Fribourg pour 3000 écus. Le 12 juillet 1790, par devant maître Joseph ZURKINDEN, François Pierre de DIESBACH TORNY vend la deuxième maison (actuel No 6) à Xavier de FÉGELY. Ce dernier la transmettra à son fils Albert (1755-1842), syndic de Fribourg. Il y habitera avec sa soeur Nanette (1763-1840), son frère Joseph (1760-1841) et sa belle-soeur Valpurg née MAILLARDOZ (1778, épouse de Joseph) . En 1842, le propriétaire est Xavier de Fégely de Prez (1794-1862) qui a hérité la maison. Il est fils d’un cousin germain d’Albert.
Apèrs la mort de Xavier de Fégely, ses enfants effectuent le partage de leurs biens, le 25 novembre 1862, et la maison échoit à Albert de FÉGELY de PREZ (1830-1887). Albert vendra la maison qui sera revendue encore plusieurs fois. Elle appartient aujourd’hui à la famille BUNTSCHU. Elle abrita la sellerie de Paul Buntschu, puis le magasin de maroquinerie « Bouti cuir » de Noémie Wicht-Morel, puis dès 1989 la librairie Intermède Belleroche.
La Grenette (Actuellement la partie du No 4 contre le No 6)
En 1786, le Conseil de Fribourg avait déjà décidé de construire une nouvelle halle aux grains mais la décision concernant l’emplacement avait été longue à prendre. Il fallut donc attendre 1789 pour voir se réaliser l’acquisition de la maison Diesbach par l’Etat. La nouvelle halle aux grains, ou Grenette, devait permettre à l’Etat d’entreposer les importantes quantités de céréales perçues, à titre de dîme ou de cens, de ses sujets des bailliages. La nouvelle construction débute en 1790 sous la direction de Hans Reyde; la réalisation des boiseries est confiée au menuisier Bendely tandis que François Doret, de Vevey, fournit les trois cheminées. Les pierres sont en grande partie tirées des carrières du Gottéron . Le peintre Locher décore l’intérieur et reçoit 1500 livres pour ce travail.
Le nouveau bâtiment, dès lors appelé la Grenette, est achevé en 1793. La halle est voûtée, spacieuse, aérée et bien éclairée. Au dessus de la Halle se trouve une grande salle avec dépendances, utilisée pour des concerts et autres manifestations telles que la Foire aux provisions qui est un marché où se vendent les produits du terroir fribourgeois. Le gouvernement se réserve cette partie de l’édifice permettant de réunir sous un même toit l’utile à l’agréable. On y donne les bals des sociétés littéraires, des sociétés de jeunes gens, des sociétés de militaires, des sociétés de bourgeois, etc... La Société de musique de Fribourg commence à y donner ses concerts dès 1806. En 1809, le Petit Conseil autorise François Moosbrugger à installer momentanément un café à la Grenette. En 1819, le professeur Ducros y donne ses cours de droit. La même année le Conseil d’Etat décide d’y établir un concierge et fixe ses tâches et sa rémunération.
Au XIXème siècle: la maison Fégely, la Grenette
et la maison de Bienfaisance
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et l'Ecole des filles en 1935 |
La Grenette en 1983
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